Le Point.fr - Publié le 04/09/2013 à 06:01 - Modifié le 04/09/2013 à 08:58
Ils sont jeunes, présentent bien, se disent patriotes et sont issus de la classe moyenne. Qui sont vraiment ces post-adolescents mis en avant par le FN ?
Le parti de Marine Le Pen misera sur la jeunesse pour les municipales. © AFP
Étienne, 23 ans, Donatien, 23 ans, Paul-Alexandre Martin, 23 ans, Stéphanie, 23 ans, Julien, 24 ans, Jordan, 22 ans, Julia, 21 ans, Kevin, 20 ans, Étienne, 23 ans... La liste des prochains candidats duFront national aux élections municipales a des airs de casting de La nouvelle star, le quota "diversité" en moins.
Poursuivant la stratégie entamée lors des législatives (un quart des candidats avait moins de 30 ans, selon le FNJ), le parti des Le Pen ajoute la préférence de la jeunesse à la préférence nationale.
Des étudiants qui mettent des jeans, des Converse et des chemises à carreaux, qui assimilent parfaitement la communication du parti et qui savent créer un blog : "Je suis de la génération Flickr et applications", lance l'ancien militant du Nouveau Centre Paul-Alexandre Martin, l'un des responsables du FNJ et qui sera présent sur une liste à Lyon. "La stratégie ne se résume pas à ça. Mais on a voulu faire une place importante aux jeunes, y compris aux têtes de liste, même s'il y en avait déjà pas mal il y a quelque temps", confirme Steeve Briois, secrétaire général du FN et qui fut lui-même propulsé tête de liste à l'âge de... 22 ans.
Des jeunes, il y en a toujours eu au FN. Depuis les années 1990, Jean-Marie Le Pen présente sa formation comme le "premier parti des jeunes". Son propre père fut d'ailleurs le plus jeune conseiller municipal de La Trinité-sur-Mer. Mais ce qui est nouveau, c'est qu'ils profitent de la chasse aux vieux démons lepénistes qui se nourrissent du nazisme, du pétainisme et de la guerre d'Algérie : "Pour les frontistes, le passé est un passif. Ils veulent s'éloigner de l'extrémisme violent dont ils se sont nourris", confirme Jean-Marc Lech, directeur d'Ipsos.
"Aujourd'hui, le FN se positionne comme un parti qui aspire au pouvoir et ils [les jeunes] misent sur cette dédiabolisation à laquelle ils participent eux-mêmes pour monter", explique Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste du FN.
Car ces jeunes pousses, fans de Marine jusqu'à en reprendre les gimmicks, sont conscientes que le FN leur offre une tribune politique inespérée dans un pays où la politique est surtout une affaire de vieux.
"Règlements de comptes internes"
Future tête de liste à Thonon-les-Vosges, Jordan Grosse Cruciani a fui le MoDem, pour lequel il a milité pendant près de cinq ans dans sa région, pour rejoindre le FN. "Les élus étaient plus hautains et distants. Au Front, c'est plus facile de parler aux dirigeants", relate-t-il. Il poursuit : "Chez les centristes, ils nous demandaient de coller et après ils s'en foutaient de ce qu'on avait à dire...""L'UMP s'en branle de la jeunesse. Je ne crois pas que j'aurais pu accéder à une fonction importante dans un autre parti", confirme Donatien Véret, 24 ans, future tête de liste dans le 95 et dont les parents profs ont toujours voté à gauche. "Se savoir protégé par une personne comme Marine, c'est très appréciable", souffle Elsa Vassent, également responsable du FNJ et qui attend son investiture dans une ville d'Ile-de-France.
Certes, ce "ménage générationnel induit quelques règlements de comptes internes, constate Jean-Yves Camus. Des personnes qui voulaient se retrouver tête de liste se trouvent coiffées au poteau."C'est ce qui s'est passé à Villeneuve-sur-Lot où une militante historique a été évincée au profit d'un étudiant. Mais si les jeunes sont légion, c'est aussi parce que le FN compte peu de sortants. La relève est plus facile à mettre en oeuvre. Du temps de Jean-Marie Le Pen, la lutte pour les places y était déjà moins terrible qu'ailleurs.
La vraie difficulté reste donc de trouver des militants qui assument leur engagement. "Trouver un boulot et être candidat au FN, c'est une prise de risque", confirme Elsa Vassent. "Le FN tape dans un vivier de jeunes militants pas très bien formés, car dans les grandes villes il faut mettre 30 à 60 personnes sur les listes qui doivent assumer face à un employeur, leurs parents, leurs amis. Il en manque...", souligne Jean-Yves Camus.
Et ce sont les jeunes qui émergent, car "il est aujourd'hui plus facile pour le FN de trouver de jeunes militants", selon Jean-Marc Lech : "Avant, les jeunes s'engageaient en réaction, pour des causes comme SOS Racisme ou les manifs contre Le Pen de 2002 [lorsqu'il fut propulsé au deuxième tour de la présidentielle face à Jacques Chirac, NDLR].""Mais avec la Manif pour tous a émergé une génération de droite qui milite pour une cause, le FN", explique le spécialiste de l'opinion. Et parmi cette génération, on retrouve des jeunes du FN qui se sont complètement affranchis de leur milieu social. Issus de la classe moyenne, ils ont pour la plupart grandi dans des familles peu politisées, voire plutôt de gauche.
"En photo avec Marine sur Facebook"
Sur le plan des valeurs, pas grand-chose de nouveau sous le soleil frontiste, sauf qu'ils préfèrent se dire "patriotes" plutôt que "nationalistes". Tous déplorent la "décadence" de la France et la "perte des valeurs du passé". "L'affaissement de la conscience nationale conduit à la disparition des valeurs civiques", s'exclame Donatien Véret, qui a sorti ses fiches pour être sûr de ne pas trahir la pensée de l'historien Maurice Agulhon, spécialiste de la symbolique du pouvoir républicain et dont il se réclame. Ils s'insurgent également, selon la droite ligne frontiste, contre "le gouvernement des bureaucrates de Bruxelles", qu'ils accusent de tous les maux. Si Julien Rochedy et Elsa Vassent citent écrivains et philosophes à tour de bras, les autres se contentent plus volontiers de Napoléon Bonaparte.
Sur la Shoah, ils s'accordent pour dire qu'il s'agit d'une tragédie. "Mais il ne faut pas non plus oublier les autres catastrophes de l'histoire", ne peut s'empêcher d'ajouter Julia Abraham.
Quant à François Chatelain, futur candidat aux municipales dans le Nord, sa page Facebook affiche l'étoile de David figurant sur le drapeau d'Israël en train de brûler avec l'inscription "Ici, c'est la France".