TRIBUNE LIBRE ET POINT DE VUE !
L’OUTRE-MER ET LA LOGIQUE DU GUICHET
Les files d'attente sont interminables
Michel Lhomme
le 29/08/2013
modifié le 29/08/2013 à 20:50h
Comme il est de tradition, la rue Oudinot, siège du Ministère de l’Outre-mer, tenu par le Guadeloupéen Victorin Lurel, a été tout l’été le lieu d’un incessant défilé d’attachés cases.
Les dossiers du Ministre ne manquent pas : dettes à la Réunion, en Martinique ou en Polynésie française, explosion du chômage et de l’insécurité en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin, immigration clandestine qui gangrène les relations à Mayotte, moins de pêche à Saint-Pierre et Miquelon et une Guyane qui s’enfonce dans une violence à la brésilienne.
Gaston Flosse avec jean-marc AYRAULT et avec le Ministre de l'Outre-mer
Parler régulièrement de l’Outre-mer est sans nul doute une des spécificités de Métamag. Pourquoi ? Parce que l’Outre-mer se présente comme un condensé en miniature des politiques et des dérives de la métropole.
On y retrouve à plus petite échelle et comme concentrés, tous les maux du pays.
Et puis la France sans la Guadeloupe, sans le Pointe-à-Pitre du samedi matin, ce n’est pas la France.
Prenons un premier exemple.
A peine réélu en mai, Gaston Flosse est parti en juillet faire la manche à Paris car la relance de l’économie moribonde de Papeete et de ses banques ne peut passer que par une injection rapide d’argent frais. Flosse en vieux routier de la politique le sait bien.
Il a de fait immédiatement soigné sa représentation parisienne en nommant dès juin l’ancienne ministre ultra-marine chiraquienne et villepiniste, Brigitte Girardin comme super conseillère présidentielle (avec un petit salaire tout de même de 20 000 euros mensuels justifié selon lui par son carnet d’adresses !).
Brigitte Girardin
En juillet, il s’est empressé d’écumer avec ses ministres tous les Ministères parisiens pour récolter des subventions sur des projets anciens ou repris au gouvernement précédent : centre de recherches océaniques à Tahiti, développement de la pêche au thon ou de l’aquaculture de poissons lagunaires, préservation du littoral (la zone économique exclusive polynésienne permet à la France de posséder la deuxième superficie maritime du monde), exploitation minière des fonds sous-marins, nouvel espoir économique mondial censé subvenir aux pénuries de matières premières à venir et puis, bien sûr le soutien à l’industrie touristique.
Le projet Ainapare.
Dans ce domaine, même si l’on a noté une légère reprise cette année, la Polynésie française souffre des prix élevés de ses hôtels et surtout de ses billets d’avion.
Elle ne parvient pas à rivaliser avec des îles voisines comme Samoa (une liaison aérienne chinoise directe Shanghai-Samoa est en cours) ou les îles Cook qui ont récemment devancées les îles Fidji dans la destination préférée de vacances des Néo-Zélandais.
Gaston Flosse a donc réclamé à Victorin Lurel un « pacte général de croissance ».
Il a même été plus loin puisqu’il a apporté tout ficelé un nouveau grand projet sur la table après celui du Mahana Beach : le projet Ainapare.
C’est un projet pour la grande île, Tahiti qui partirait du front de mer et qui viendrait jusqu’au bâtiment du conseil du gouvernement, l’ancienne présidence.
L’ensemble fait au total 4 hectares, comporterait un bâtiment de 10 000 m² avec un parc et des jardins de 3 hectares.
Il est censé donner un autre visage à Papeete, imitant en fait la marina d’Honolulu. Ainapare, à financement privé exige cependant un apport de l’Etat.
Ces projets style grande marina, aménagement de front de mer, pullulent un peu partout en Outre-mer.
A Saint-Martin, pourtant complètement endettée et au bord de la banqueroute, on envisageait aussi un aménagement titanesque du front de mer de Marigot.
Ce sont à chaque fois des réalisations un peu pharaoniques avec de grands centres commerciaux, des bâtiments administratifs et des ports de plaisance modernisés, censés faire travailler les entreprises du bâtiment locales moribondes. Ils paraissent nécessaires mais sont-ils réalistes ?
On retrouve là toute la question métropolitaine de comment relancer la machine économique entre keynésianisme des grands travaux ou rigueur budgétaire et austérité.
Comment être certain du retour sur investissement de tels grands travaux ?
Nouvel hôpital du Taone, façade et vue aérienne
Au retour de la capitale, Gaston Flosse tout en reconnaissant qu’il n’était pas revenu avec des milliards (et pour cause, il n’y a plus de milliards dans les caisses de l’Etat ), a cependant reconnu que la confiance était revenue entre le gouvernement socialiste et lui parce que justement, il n’était pas allé à Paris les mains vides (conférence de presse du 5 août à Papeete) et qu’il avait intelligemment déposé un « pacte de croissance ». Gaston Flosse a bien perçu le nouveau climat parisien et Victorin Lurel a promis de se déplacer en Polynésie française fin octobre, début novembre.
La situation financière du territoire est tendue : il manquerait actuellement 5 milliards de francs pacifique (une avance de six milliards a été demandée) pour assurer sereinement le quotidien auxquels il faudrait ajouter sept milliards dans trois mois !
Le territoire souffre des emplois pléthoriques des décennies précédentes et des constructions mégalomanes qu’il faut maintenant entretenir.
nouvel hôpital du Taone, un ensemble architectural imposant, les peintures s’effritent, la climatisation n’est plus entretenue, les malades doivent apporter leur propre papier toilette, il n’y a même plus d’eau chaude pour laver les patients (constaté de visu).
Quel avenir alors pour la jeunesse de Tahiti entre nouveaux impôts à venir et dette territoriale ? C’est une question proprement tahitienne mais on l’aura bien compris tout aussi française.
Source et publication: http://metamag.fr/metamag-1495-L’OUTRE-MER-ET-LA-LOGIQUE-DU-GUICHET-Les-files-d-attente-sont-interminables.html