Quelques remarques sur la Syrie
Bernard Hilaire | 29 août 2013 |
L’imminence d’une intervention des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France en Syrie révèle un certain nombre de dysfonctionnements graves.
Tout d’abord, c’est en foulant aux pieds toutes les règles fondamentales du droit international que les alliés entendent mener une telle intervention.
Ceux-ci ne disposent en effet d’aucune autorisation de la communauté internationale pour ce faire, comme les Etats-Unis n’en disposaient pas s’agissant de l’Irak, (même si certains juristes ont tenté et tentent de tirer implicitement cette autorisation dans des résolutions qui n’en étaient pas).
Bien sûr, cette autorisation pour intervenir en Syrie a été recherchée, et continue de l’être avec encore très récemment le dépôt d’un projet de résolution au Conseil de sécurité par la Grande-Bretagne, dépôt dont on sait qu’il restera vain, faute d’accord de la Russie au moins.
Il n’en demeure pas moins que les alliés veulent se donner l’image d’être soucieux des procédures. Pendant un certain temps seulement…
En tout état de cause, une intervention sans mandat constituerait un nouvel échec patent du droit international, et plus particulièrement des Nations Unies.
Si l’ONU et le droit international ont une utilité cruciale dans de nombreux domaines – économique, environnemental, sanitaire, etc. – force est de constater qu’en matière d’emploi de la force, ils ne jouissent pas d’une grande autorité.
S’agissant ensuite des preuves de l’utilisation d’armes chimiques par l’armée syrienne, elles n’existent pas pour le moment.
L’enquête des Nations Unies est actuellement en cours, et n’a pour le moment révélé aucune utilisation de ces armes, du moins aucune imputabilité au régime de Bachar el-Assad. Carla Del Ponte, membre de la commission d’enquête indépendante chargée d’enquêter en Syrie, a indiqué au contraire que ce sont les opposants au régime qui ont utilisé le gaz sarin.
Pour autant, le Vice-Président des Etats-Unis a affirmé que l’emploi du gaz sarin par le régime ne faisait aucun doute. La dernière fois que les américains n’avaient eu aucun doute, c’était pour la présence d’armes de destruction massive en Irak… demeurées introuvables depuis. Cela ne signifie pas que leur voix doive être décrédibilisée sur la base de ce seul précédent.
Mais à tout le moins est-on en droit d’exiger ce qui est élémentaire en matière d’accusation, à savoir la preuve de son allégation. Les autorités britanniques et françaises ont quant à elles porté l’écho, ces dernières ayant même évoqué par la voix de F. Hollande, un « massacre chimique infâme ». Jean-François Copé a quant à lui parlé d’ « abomination ».
Il y a là l’habituel jeu de sémantique émotive à l’adresse de l’opinion publique, faisant rappeler les propos de N. Sarkozy qui, lorsqu’il était Président de la République, appelait à mettre fin aux « rivières de sang » en Libye. La protection des populations civiles est tout à fait louable, et c’est d’ailleurs précisément sur ce fondement que le dernier projet de résolution a été déposé.
Cependant, les alliés se proposent de protéger ces populations qu’à l’égard du régime de Bachar el-Assad. Or, la population syrienne est aussi victime des agissements de certains rebelles, qui exécutent sommairement et dans des conditions proches de la torture, ou encore qui enrôlent des enfants dans les combats, bien loin des fondamentaux du droit humanitaire.
Il n’est pourtant pas question de protéger la population de ceux-là, mais seulement d’affaiblir le régime syrien, conformément au sempiternel manichéisme selon lequel ceux qui ne sont pas du camp du mal font nécessairement partie du bien. Il y a le régime syrien, culpabilisé et désigné comme cible, et la coalition nationale syrienne, seule reconnue et perçue comme légitime. Soit.
Bien plus grave, F. Hollande a employé l’expression « action punitive ». Il est à espérer que les juristes et autres experts du droit international s’érigeront contre une telle ineptie juridique.
Il n’est effectivement inscrit nulle part dans la Charte des Nations Unies, et notamment dans son Chapitre VII, que les actions punitives soient au nombre des « action[s] en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression ». Une telle conception vengeresse des relations internationales est indigne d’une grande démocratie. Elle est en tout cas conforme au statut de « gendarmes du monde » que certaines puissances occidentales veulent endosser.
Elle n’est pourtant pas fidèle à l’idéal d’une société interétatique fondé sur l’égalité souveraine entre Etats, et l’on se demande bien au nom de quoi un Etat pourrait bien prétendre punir un autre.
Pour résumer, l’intervention des alliés en Syrie, dont on ne connait encore pas précisément le moment et les modalités, sera réalisée sans autorisation de la communauté internationale, selon un dessein punitif absolument illégitime, et en l’absence de preuves tangibles et sur la simple foi de présomptions quant à l’utilisation d’armes chimiques.
Peut-on faire mieux dans l’irrévérence ?
Source: Bernard Hilaire
http://www.lebreviairedespatriotes.fr/29/08/2013/international/quelques-remarques-sur-la-syrie/