Vendredi 12 octobre 2012
Manuel Valls et son homologue espagnol, Jorge Fernandez Diaz, viennent de signer un accord de coopération visant à couper l'approvisionnement du marché en cannabis et en cocaïne.
Après avoir aidé Madrid contre les séparatistes basques de l'ETA, Paris attend un retour.
Jorge Fernandez Diaz et Manuel Valls en mai dernier. Crédits : BARRENECHEA/EFE/SIPA
Nom de code l’opération : couper les routes de la drogue. Principaux protagonistes : Manuel Valls, socialiste et ministre de l’intérieur français et Jorge Fernandez Diaz, membre du parti populaire (droite) et ministre de l’intérieur espagnol.
Les deux hommes ont la Catalogne en commun. Ils viennent de décider de mettre leurs forces en commun pour lutter contre le trafic de cannabis et de cocaïne, dont la Péninsule hibérique est l’un des principaux points d’entrée en Europe. Un accord au sommet dans lequel ils mettent tout leur poids, avec côté français un argument choc : l’Espagne n’ a eu qu’à se féliciter de la manière dont la police française l’a aidée à traquer les terroristes de l’ETA, l’organisation séparatiste basque, aujourd’hui à bout de souffle, il est temps qu’elle offre aide et assistance à la France sur le front des stupéfiants.
Une sorte de retour sur investissement.
« Nous avons considéré qu’il fallait passer au cran supérieur pour couper les routes de la drogue », dit Manuel Valls, qui loue « une coopération de grande qualité » entre France et Espagne.
De là à gagner la « guerre » contre la drogue, il y a encore du chemin, mais on revient de loin quand on sait que les Espagnols, au temps où l’ETA tirait sur tout ce qui portait uniforme, n’ont pas hésité à s’appuyer sur les trafiquants de drogue, notamment français, et à leur offrir une forme de protection en échange de leur appui dans la lutte contre le terrorisme.
L’accord signé à l’occasion de la rencontre entre François Hollande et son homologue espagnol, Mariano Rajoy, a été initié par la direction centrale de la police judiciaire et négocié par l’ancien attaché du ministère de l’Intérieur à Madrid, David Skuli, promu depuis directeur de cabinet du nouveau directeur général de la police.
Police judiciaire et gendarmerie sont concernées côté français, de même que leurs équivalents côté ibérique. Un nouvel officier de liaison « stupéfiants » français devrait être nommé rapidement à Algésiras, à l’extrême sud de l’Espagne. « Un changement d’échelle », affirme Frédéric Veaux, pilier de la PJ, qui rappelle que de nombreux trafiquants français sont installés depuis longtemps sur la Costa del Sol, mais aussi dans la région d’Alicante et à Barcelone.
Au menu, au delà des symboles, l’échange de renseignements opérationnels et le renforcement des contrôles, notamment en mer, avec l’appui des douanes et de la Marine.
Prochaine étape, annonce Manuel Valls, des négociations à quatre, puisqu’il s’agit d’associer à l’opération, à terme, les Portugais et les Marocains, avec mission d’accélerer la saisie des avoirs criminels.
Un sujet d'acutalité avec le démantèlement, en région parisienne, d'une "machine" à blanchir l'argent des stupéfiants par dizaines de millions d'euros, avec salle forte clandestine à Genève truffée de lingôts d'or, dans laquelle a également été découverte une précieuse... comptabilité.
Une "banque" qui utilisait, c'est une première, des commercants ayant pignon sur rue à Paris, qui encaissaient l'argent de la drogue et remboursaient en Suisse, commercants parmi lesquels on dénombre un architecte, un avocat parisien installé avenue Montaigne, plusieurs entrepreneurs travaillant dans la confection et... un (petit) élu parisien.
Où l'on retrouve la trace, déjà signalée ailleurs, d'une connexion entre un milieu juif spécialisé dans la finance parralèlle et le milieu maghrébin issu des cités.
A suivre.
Frédéric Ploquin