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La Syrie, terre de djihad
Le pouvoir recule. Alep, la capitale économique du pays, est désormais contrôlée aux deux tiers par la rébellion.
Le scénario redouté depuis des mois par les services de renseignement occidentaux est apparu au grand jour cette semaine.
En annonçant mercredi avoir fait allégeance à al-Qaida, le front al-Nosra, le groupe le plus actif et le plus radical de la rébellion, vient d'inaugurer une nouvelle étape dans le conflit syrien.
Les combattants djihadistes ne luttent plus seulement, conjointement avec d'autres forces, contre un régime sanguinaire. Ils se positionnent déjà pour l'après Assad.
La genèse de cette situation remonte à l'automne 2011.
Lorsque le temps de l'insurrection initiale céda la place à un conflit armé de plus en plus violent.
Composite et pour une part improvisée, la coalition de l'opposition au régime a toujours eu des dissensions.
Mais, au fil des mois, on a assisté à la montée en puissance des groupes djihadistes et de leurs mercenaires venus de l'étranger.
À une multiplication des attentats-suicides. Des kidnappings, des exécutions spectaculaires.
Entre libanisation et irakisation
Rapidement, la bataille syrienne a été détournée de ses aspirations initiales, mettre un terme aux horreurs d'un régime.
On redoutait une « libanisation » du conflit, une guerre fratricide interconfessionnelle. Elle n'est pas exclue. Mais c'est surtout à une « irakisation » que nous venons d'assister.
Avec en toile de fond les financements des monarchies du Golfe (Qatar et Arabie Saoudite) et les rivalités entre sunnites et chiites.
Sur le champ de bataille, deux acteurs, très efficaces, se sont illustrés. Le Front al-Nosra justement, constitué en janvier 2012, et les salafistes d'Ahrar al-Cham. Difficile d'évaluer l'étendue exacte de leur contrôle.
Mais, dans les poches peu à peu libérées du joug de Damas, ils sont souvent en position de force. Forts aussi de l'inaction internationale.
C'est dans ce contexte que se pose, depuis des mois, la question de l'approvisionnement en armes des rebelles syriens.
Une enquête du New York Times révélait, le 24 mars, que les pays arabes et la Turquie avaient augmenté les livraisons d'armes à destination de la rébellion depuis novembre, avec l'aide de la CIA. Paris et Londres semblaient, le mois dernier, en passe de franchir le pas et de rompre l'embargo européen.
Puis, Paris a fait marche arrière, attentive, dit-on officiellement, au risque de voir ces armes détournées, précisément par les groupes radicaux.
La crainte n'est pas nouvelle, un rapport de la CIA de l'automne dernier dénonçait déjà ce risque.
Mais le rétropédalage est d'autant plus notable que la France avait été le premier pays à reconnaître la coalition nationale syrienne. Désireuse d'aider à une solution politique, aujourd'hui plus lointaine que jamais.
En fait, la question pourrait rapidement ne plus être de savoir s'il faut armer la rébellion, mais de décider s'il faut combattre les djihadistes.
Le Point.fr - Publié le12/04/2013 à 07:33
Le mouvement très influent au sein de la rébellion a revendiqué son adhésion au réseau terroriste islamiste al-Qaida.
Le régime syrien a appelé jeudi le Conseil de sécurité de l'ONU à sanctionner le Front Al-Nosra, le groupe le plus influent au sein de la rébellion, après l'annonce officielle de son adhésion au réseau al-Qaida, tandis qu'à Washington, le président Barack Obama débloquait une aide alimentaire et médicale de dix millions de dollars pour la rébellion syrienne.
Profitant de l'aubaine représentée par l'acte d'allégeance public d'Al-Nosra au chef d'al-Qaida Ayman al-Zawahiri qui a appelé à l'établissement d'un État islamique en Syrie, le pouvoir s'est empressé de demander à l'ONU de classer le groupe sur sa "liste noire" des entités et individus liés au réseau extrémiste.
La demande formulée par le ministère des Affaires étrangères fait référence aux résolutions 1267 et 1989 qui prévoient des sanctions comme un gel des avoirs, une interdiction de voyager et un embargo sur les armes et qui comprennent actuellement 64 entités et 227 individus.
Depuis le début en mars 2011 du conflit en Syrie, déclenché par une révolte pacifique qui s'est ensuite militarisée face à la répression, le régime de Bachar el-Assad, se refusant à admettre toute contestation, accuse les rebelles d'être des "terroristes financés par l'étranger".
Le ministère syrien a d'ailleurs souligné dans un communiqué avoir "régulièrement averti l'ONU sur les liens entre les groupes terroristes armés et al-Qaida, ainsi que sur les crimes du Front Al-Nosra".
Les Affaires étrangères syriennes ont demandé au Conseil de sécurité de faire pression sur "les États qui soutiennent le terrorisme en Syrie pour qu'ils cessent leurs activités illégales", en référence notamment à la Turquie, à l'Arabie saoudite et le Qatar.
Ces pays sont accusés par Damas d'abriter et de financer les rebelles, regroupés en majorité sous l'Armée syrienne libre (ASL), mais qui ne comprennent pas Al-Nosra, groupe déjà classé sur la liste des "groupes terroristes"établie par Washington qui le soupçonnait de liens avec al-Qaida.
L'opposition syrienne embarrassée
Ce n'est que mercredi que le chef d'Al-Nosra a confirmé publiquement l'adhésion du groupe djihadiste bien organisé et armé à al-Qaida, une annonce qui a d'ailleurs plongé l'opposition dans l'embarras.
Les Comités locaux de coordination (LCC), une des premières organisations à avoir animé la révolte sur le terrain, ont refusé "totalement les propos du chef d'al-Qaida et son appel à établir un État islamique en Syrie".
Le chef de l'opposition, Ahmed Moaz al-Khatib, a estimé que "la pensée d'al-Qaida ne nous sied pas et les révolutionnaires en Syrie doivent prendre une position claire sur ce sujet".
L'opposition est d'autant plus gênée qu'elle ne cesse de réclamer une aide militaire à la communauté internationale pour faire face à la puissance de feu du régime.
Or, les pays occidentaux ont refusé jusqu'à présent de crainte que l'arsenal ne tombe aux mains d'"extrémistes".
À Washington, Barack Obama a jugé jeudi que la guerre en Syrie avait atteint un point "crucial" et il a débloqué pour la rébellion syrienne une aide alimentaire et médicale de deux millions de dollars.
Cette somme "pouvant atteindre dix millions de dollars (...) vient s'ajouter aux 117 millions de dollars d'assistance non létale fournie à la Coalition de l'opposition syrienne", a expliqué Caitlin Hayden, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, le cabinet de politique étrangère de la Maison-Blanche.
Utilisation d'armes chimiques
Par ailleurs, selon des diplomates à l'ONU, les pays occidentaux ont des "preuves solides" que des armes chimiques ont été utilisées au moins une fois dans le conflit syrien. "Il y a plusieurs exemples dans lesquels nous sommes complètement sûrs que des obus chimiques ont été utilisés de façon sporadique", a en outre assuré un diplomate occidental sous couvert de l'anonymat.
La Grande-Bretagne et la France ont soumis des informations aux Nations unies concernant les allégations selon lesquelles les forces gouvernementales ont utilisé des armes chimiques face aux rebelles, notamment dans la ville de Homs le 23 décembre.
À Londres, jeudi, les chefs de la diplomatie du G8 se sont dits "atterrés" par le nombre de morts causé par le conflit, évalué à plus de 70 000 par l'ONU, mais ils n'ont pas mentionné l'épineuse question de la livraison d'armes aux rebelles.
Sur le terrain, les combats continuent de tuer, et au moins 69 personnes ont péri jeudi à travers le pays, selon un bilan provisoire de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Dans le Sud, au moins 57 personnes sont mortes dans un assaut de l'armée contre deux villages de la province de Deraa lancé mercredi après la défection de soldats qui s'y sont réfugiés, a précisé l'OSDH. Il s'agit de 16 rebelles, 12 soldats et 29 civils, dont 6 enfants.
Dans le Nord, un hélicoptère transportant des provisions pour les militaires assiégés dans le camp de Wadi Deif a été abattu et ses quatre passagers tués, selon l'OSDH qui a mis en ligne une vidéo.
Enfin, l'aviation syrienne a effectué un second raid en moins de 24 heures dans une région frontalière libanaise partisane de la rébellion, faisant des blessés, selon des responsables libanais.
- Source et publication :: http://www.lepoint.fr/monde/damas-reclame-a-l-onu-des-sanctions-contre-le-front-al-nosra-12-04-2013-1654121_24.php#xtor=EPR-6-[Newsletter-Quotidienne]-20130412