Les caïds peuvent dormir tranquilles
Dix suspects ont été finalement interpellés à la suite du meurtre de Kevin et Sofiane devant le lycée Marie Curie, à Echirolles, en Isère.
Une expédition punitive d’une violence inouïe, armés de battes de baseball, d’un pistolet à grenailles, de plusieurs couteaux. Kevin a reçu huit coups de couteau. Sofiane vingt-neuf. Un vrai lynchage. Et toute cette tragédie pour, semble-t-il, un« mauvais regard ».
A l’exception d’Anthony, tous les suspects — Eraba, Ibrahim, Illye, Mohamed, Abou et les autres — ont déjà eu affaire à la police. Six ont été condamnés. « Des petits délinquants de cité qui, pour certains, sont sur une voie de durcissement » explique un policier. Des vols, des violences à l’arme blanche, des outrages… Certains « sont connus pour être particulièrement violents » ajoute le procureur de la République.
Dans le quartier de Villeneuve, on ne comprend pas, nous raconte la presse. Une barre d’immeuble a été partiellement démolie, la cité a été ouverte sur la ville, les subventions destinées aux associations du quartier ont été augmentées, les équipes d’animateurs renforcées. Bref, « le boulot a été fait », pour reprendre les mots, cités parLe Monde, du responsable des « médiateurs » chargés d’intervenir à la nuit tombée pour régler les problèmes de voisinage.
Et pourtant ! Les propriétaires quittent leurs appartements « lassés des incivilités », comme on dit hypocritement, les animateurs veulent aller voir ailleurs, les assistantes sociales ont peur. « Une dizaine de caïds », raconte un policier. Qui contrôlent le trafic de drogue et organisent les cambriolages. Et ça arrange beaucoup de monde. Y compris des parents qui profitent du « business ». Les gendarmes sont allés cueillir Mohamed chez lui, craignant qu’avec son frère, ils gagnent l’Algérie. Leur père s’y était rendu précipitamment au lendemain de la tragédie…
On entend déjà les mêmes, toujours les mêmes, nous expliquer qu’on n’en fait jamais assez pour nos banlieues, que la prison n’est pas la réponse adéquate, qu’il faut davantage de policiers, d’animateurs, de « lien social », de « dialogue ». Et si on tendait l’oreille, et si on écoutait enfin ce policier d’Echirolles qui ose dire ce que tout le monde constate autour de soi : « La justice ne leur fait plus peur car elle ne les condamne pas ou peu. Ils se sentent intouchables. »
Rien ne va changer. Ils peuvent dormir tranquilles.
Christiane Taubira n’est pas décidée à troubler leur sommeil. Bien au contraire.