"Le trafic de drogue gangrène nos cités [...] Il faut s'attaquer au trafic, mais aussi aux consommateurs, a déclaré Manuel Valls jeudi sur BFMTV. "En Seine-Saint-Denis, par exemple, les consommateurs alimentent ce trafic.

 

Aujourd'hui, c'est un délit. Demain, ce sera une contravention payable de suite quand on est pris sur le fait", a précisé le ministre de l'Intérieur.

Du délit à la simple contravention

Concrètement, il s'agit donc de transformer le délit d'usage de stupéfiants, actuellement passible d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende, en simple contravention.

 

Comme un simple usager pris en défaut de ticket dans le métro.

 

Si besoin, les policiers accompagneront les contrevenants au distributeur de billets.

Une mesure qui répond au principe de réalité, mis en évidence par l'opération de reconquête des cités lancée par le ministre de l'Intérieur, notamment à Marseille.`

 

 Depuis plusieurs semaines, les forces de l'ordre ont ratissé neuf des 40 cités marseillaises, opéré des saisies et des arrestations importantes, mais aussi interpellé des centaines de petits consommateurs de stupéfiants.

Mais qu'en faire ?

Les peines sont tellement lourdes et les procédures complexes, que pour éviter la paralysie de l'appareil judiciaire, le simple fumeur de cannabis n'est jamais déféré. L'avocat spécialiste, Me Francis Caballero, le confirme : "En 20 ans de pratique, j'ai peut-être vu deux cas de personnes poursuivies pour usage".

 

La mesure évoquée par Manuel Valls a donc pour ambition pragmatique de sanctionner quand même, en frappant les consommateurs au portefeuille.

"Ca évite les gardes à vue intempestives et coûteuses, mais ça ne supprimera pas les go-fast et les zones de non-droit" (Me Caballero)

L'expérience a donc été testée à Marseille, mais aussi en Seine-Saint-Denis où Manuel Valls est allé constater mercredi sur pièce.

Selon les autorités locales, 26.000 euros auraient ainsi été recueillis depuis le démarrage de l'expérience, à raison d'amendes de 100 à 150 euros.

"C'est une mesure intéressante, mais superficielle, commente Me Caballero. Intéressante, parce que c'est une dépénalisation, ça évite les gardes à vue intempestives qui coûtent très cher.

`Ca évite l'inscription au casier judiciaire. Et ça sanctionne l'usage de cannabis dans les lieux publics.

Mais, elle est néanmoins superficielle, car le cannabis reste une substance interdite.

Et ça ne supprimera pas les go-fast, les zones de non-droit", regrette ce fervent défenseur de la légalisation contrôlée du cannabis.

Une mesure imaginée sous Sarkozy

Cette mesure en tout cas n'est pas neuve. François Hollande a même beaucoup tergiversé sur la question.

Dans l'émission Radio France Politique de septembre 2011, quand il candidatait aux primaires socialistes, il se disait hostile à la légalisation du cannabis mais recommandait d'opter pour une contravention plus que pour la prison.

 

Puis en avril 2012, volte-face, alors que le sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen, venait de remettre cette proposition sur le tapis : "Cette proposition n'est pas nouvelle, déclarait-il sur Europe 1.

 

Elle avait été avancée par Nicolas Sarkozy en 2007.

 

Je ne la reprendrai pas pour des raisons qui tiennent à la nécessité de l'interdit qui ne doit pas être affaibli".

À l'époque pourtant le constat était déjà là. C'était même l'argument de François Rebsamen : "Il y a 142.000 procédures de consommation de cannabis par an, avait-il expliqué lors d'un meeting électoral à Dijon

 

. Cela représente des centaines de milliers d'heures de travail pour les policiers et ne donnent lieu qu'à 24.000 poursuites".

SOURCE : FRANCE INFO (CLIQUEZ ICI)